Les clientes
Pour simplifier, si vous voulez une affective, allez hanter le rayon livres, si vous voulez une communicante, visitez le rayon maquillage, si vous voulez une femme un peu plus mûre, allez vous perdre parmi les fruits et légumes.
Elle marche, le regard attiré par les promotions des articles périmés, le caddie rempli de choses inutiles, « en cas de crise, en cas de guerre ou victoire de la gauche ». (Merci, Renaud !) La tactique est simple : rentrez-lui dedans avec votre caddie, lors d’un croisement (boum !), paraissez surpris, amusé, et dites :
– « Ah, je m’excuse, mais vous n’aviez pas la priorité ! Il faut faire un constat à l’amiable ! » Pour provoquer la rencontre, vous pouvez aussi faire mine de vous tromper de caddie, prendre celui de la belle et partir. Elle va vous courir après en hurlant ! Dans les deux cas, elle devrait être amusée par la situation, sauf si elle a des « Pampers » dans son caddie. Enchaînez alors : – « Excusez-moi, mais vous ne savez pas où on trouve les caleçons en soie ? » (Troublant, ça, les caleçons en soie…) Elle n’en a aucune idée, elle ne s’achète que rarement des caleçons, mais elle va faire semblant de réfléchir pour vous faire plaisir :
– « Euh, ça doit être à droite, au rayon vêtements, à moins que… »
– « Bon, merci… tient, pendant que j’y pense, j’ai quelque chose qui devrait vous intéresser à vous proposer, vous êtes de Paris ? »
– « Oui, pourquoi ? »
– « Eh bien, voilà, j’aimerais bien devenir photographe, et je n’ai aucun modèle… » Et vous lui faites le coup imparable du parc. Elle parlera avec vous sans méfiance, car vous vous êtes rencontré par hasard…
Au rayon livres
Pas besoin de vous creuser la cervelle pour trouver le prétexte : il suffit de demander à une fille qu’elle vous assiste pour chercher les œuvres de Zola, de Stendhal ou de Descartes. Bien évidemment, ne lui avouez pas que vous voulez lire le dernier San Antonio ou le si désopilant Rika Zaraï, vous devez impérativement ne chercher que des bouquins qui font bouillir les neurones, sauf si vous pensez avoir affaire à une vraie communicante. Dans ce cas, il vous faudra vous intéresser à Franquin, Gotlib ou Edika. Elle vous aidera à trouver les livres que vous ne lirez jamais, vous donnera son avis littéraire que vous n’écouterez pas et son numéro, pour vous prêter un livre que vous ne lirez pas plus. Comme vous connaissez bien le chapitre « Séduction », il y a des chances pour que ça soit-elle qui devienne votre livre de chevet…
Au rayon maquillage
Dieu créa la terre et il dit que c’était beau Dieu créa les animaux et il dit que c’était beau Dieu créa l’homme et il dit que c’était beau Dieu créa la femme et il dit : « Bon, euh… elle se maquillera… » C’est pour cette raison que le rayon maquillage est surpeuplé de jeunes femmes. Renseignez-vous auprès de l’une d’elle :
– « Excusez-moi mademoiselle, c’est l’anniversaire de ma petite sœur dans une semaine, et je suis complètement perdu. Vous pourriez me donner un conseil pour un produit que je pourrais lui offrir ? » Elle connaît tout sur le sujet et se fera un plaisir de dévoiler sa science, surtout devant un homme qui, par définition, pense que Christian Dior est un aviateur, que Chanel est le nom du tunnel sous la Manche et que le mascara est un singe d’Afrique.
PS : Montaigne disait, en pensant aux femmes : « Mieux vaut tête bien faite, que tête bien pleine », ce qui signifie qu’une fille a plus de chances de réussir sa vie en sortant du rayon maquillage, qu’en sortant de polytechnique.
Au rayon alimentation
Je ne sais pas s’il y a une vie après la mort, je ne suis pas sûr que l’univers soit infini, que le destin existe, mais je sais que les femmes savent choisir les melons… Il faut qu’ils soient lourds, qu’ils aient une belle forme, que leurs couleurs soient idéales, que leurs parfums soient particuliers… Avant de choisir un melon, la femme est pareille au vieux pécheur à la ligne, qui vérifie la vitesse du vent, la couleur de l’eau et la forme des nuages, avant de tremper sa ligne. Il vous suffit d’utiliser ce comportement obsessionnel. Vous essayer tant bien que mal de choisir un melon mais, vu votre incompétence inhérente à votre sexe, vous avez besoin d’un coup de main… La femme que vous aurez choisie vous accompagnera et étalera, devant vos yeux médusés, sa science transmise de mère en fille… Prenez un prétexte pour continuer la conversation et lui soutirer son numéro, et vous goûterez plus tard au fruit défendu.