J’avais trouvé dans un bouquin l’adresse de Monsieur Mocky… Je dis bien « Monsieur », parce qu’avec plus de cinquante longs métrages en cinquante ans, c’est tout simplement le réalisateur le plus prolifique du cinéma français. On l’a vu dans toutes les émissions télévisées, levant les bras au ciel et s’exclamant avec son franc-parler légendaire : « Mais ça baise de partout dans le cinéma ! Les filles, elles couchent toutes pour réussir qu’est-ce que vous croyez ! ». Et il a peut-être raison, le bougre…

De plus, Mocky était l’idole de Jean-David, qui est un cinéphile averti, et je me suis donc fait un devoir de lui envoyer un long métrage que j’avais écrit : Cinq as d’un coup. Ça racontait l’histoire d’un escroc dragueur qui s’associe avec un magicien pour monter des arnaques… Eh ben, Mocky a aimé. Il m’a retourné une lettre dans laquelle il acceptait d’être le réalisateur du film, en précisant : « c’est drôle et bien écrit ». Du coup, j’ai envoyé le scénario à plusieurs maisons productions en soulignant que le réalisateur était déjà trouvé : il s’agissait de Jean-Pierre Mocky en personne. Ma démarche a été inutile : Les producteurs considèrent que Jean-Pierre Mocky n’est pas un bon commercial. Ce qui est tout à son honneur : Mocky, c’ est un artiste.

En tout cas du coup j’ai rencontré l’illustre Mocky . Avec ses immenses qualités, comme sa générosité, et ses gros défauts, comme son avarice légendaire. Effectivement, il a toujours été généreux avec moi. Au sens «figuré »… Il m’a toujours écouté et consacré du temps. Sur le plan financier, un jour, je l’ai rencontré avec un ami que j’aime beaucoup, un producteur, certes fauché, mais qui s’intéressait à mon film. Nous avons pris un verre ensemble, dans un des cafés hors de prix proche du domicile de Mocky. A la fin de l’entretien, l’éminent réalisateur s’est levé d’un coup en disant : « Bon, ben, c’est le producteur qui paye, hein ». Puis il a disparu…

Mocky est aussi connu pour ses coups de gueule en tournage. Il paraît que tous les comédiens français espèrent un jour se faire engueuler par ce réalisateur atypique. Il y a d’ailleurs une anecdote que je trouve savoureuse à ce propos… Jacques Villeret, qui tournait pour la première fois avec Mocky, voit ce dernier en train d’engueler son équipe, et pense en lui-même : « Moi qui n’aime pas les cris, là, je suis servi ! ». Mais Mocky se tourne à ce moment vers lui, et lui fait… un clin d’œil… . Je trouve ça tout à fait génial.

Je l’ai également vu un jour à moitié en pyjama, recevoir chez lui deux gros producteurs de musique qui, eux, étaient dans leurs petits souliers. Ils n’ont pas eu la possibilité d’ouvrir la bouche et se sont contenté de ponctuer toutes les phrases de Mocky d’un « Oui, monsieur Mocky ». Puis, il les a foutus dehors en me désignant : « Bon, je m’excuse, j’ai un invité ». Je ne suis même pas sûr que Mocky savait pourquoi les deux producteurs étaient venus le voir… J’ai de l’admiration pour ce mec car il se fout royalement des apparences, sans doute parce qu’il n’a plus rien à prouver.