« Agence de mannequin recherche mannequin hommes et femmes, débutants acceptés ». Il y avait plusieurs annonces similaires dans les journaux gratuits. Normal, pensais-je, on était à Paris, il s’agissait d’un moyen comme un autre de recruter de nouveaux « talents ». J’ai donc répondu à l’une d’entre elles et, au bout du fil, une charmante demoiselle m’accorda un rendez-vous.

Le jour convenu, je suis rentré dans une grande salle éclairée par des ampoules qui pendaient au plafond. Quatre « professionnels » étaient assis derrière de grandes planches en bois posées sur des tréteaux… L’un d’entre eux me fit assoir en face de lui : « Installez vous je vous en prie… Alors vous vous voulez devenir mannequin et vous venez de province ? ».L’homme me jaugea un instant avant d’ajouter : « C’est un métier difficile, vous savez ? Mais je trouve que vous avez un visage intéressant… Je pense que je vais vous prendre à l’essai, signez ici ». Il me tendit une sorte de contrat qui stipulait que je devais payer des frais d’inscription de trois cent francs. Malgré l’incohérence absolue de la situation et le fait que j’étais déjà rentré dans une vraie agence, j’ai proposé, comme je l’avais fait pour « loc facile », de payer les 300F après mon premier travail. Il refusa ans un premier temps mais, pour se débarrasser de moi et de mes arguments qui allaient faire fuir les autres mannequins en herbe qui attendaient, il finit par accepter… Par la suite j’ai téléphoné à ces escrocs, et ils m’ont donné mon premier casting… Je m’y suis rendu avec mon éternelle cravate inadaptée, et mes photos sous le bras. L’adresse était celle d’un coiffeur qui me reçut entre deux brushings. Il m’emprunta une photo et promis de me rappeler… La farce continuait donc, mais ma motivation pour les agences sur petites annonces s’est arrêtée là…

Est-ce qu’arnaquer les jeunes qui veulent réussir dans le métier du mannequinat, ou dans un métier artistique en général, est une escroquerie comme une autre ? Pas sûr. Cela me rappelle un peu une femme à Paris, coache en séduction, qui entretient le célibat de ses clients, plutôt que de les aider à s’en sortir, afin de leur soutirer davantage de pognon. Quand elle prendra sa retraite, je fêterais ça au champagne… Ceux qui acceptent de payer pour réussir leur vie -affective ou artistique- sont bien souvent motivés par différentes raisons psychologiques qui rendent leur échec -inéluctable- comme une véritable atteinte à leur identité propre, avec une grande douleur psychologique à la clef.

Il me semble, à titre indicatif, que les « marchands de rêves », pourchassées par la répression des fraudes et des concurrences, ont maintenant disparus des petites annonces… Travaillent-ils maintenant en accord avec une nouvelle forme de communication : internet ? Le seul conseil que j’ai envie de communiquer à ceux qui veulent réussir dans un métier artistique (mannequin, chanteur, comédien, auteur… ), est très simple : ne jamais, jamais, débourser un seul euro pour de pseudos frais d’inscription ou autres, sauf parfois en ce qui concerne les photos, et encore… Les agences de mannequin sérieuses, par exemple, payent souvent votre book, et se remboursent sur vos premiers cachets… Sur internet, s’il n’y a aucun frais, c’est à priori que le service proposé a une chance d’aboutir. Une chance sur cent, mais une chance tout de même…