Je ne pense pas si cela était dû à ma sexualité « hâtive », mais progressivement, les choses ont commencé à se brouiller entre Ophélie et moi. Méchamment. Je lui reprochais de mettre sa musique espagnole pendant que je travaillais mon anglais, on se disputait sur des factures… Presque tous les jours, on trouvait un motif pour s’engueuler. Vu la position dans laquelle je me trouvais, je suis très loin, aujourd’hui, de penser que j’avais raison de rentrer en conflit avec elle !

Mais curieusement, on continuait à faire l’amour, malgré le même résultat désespérant… A part dans ces moments de tendresse et d’immense compréhension de sa part, l’atmosphère dans le studio était devenue irrespirable.

Nous étions devenus des ennemis. Mon départ était inéluctable.

Via des petites annonces, j’ai trouvé un appartement en colocation dans le dix-huitième arrondissement. L’autre locataire était une folle de 35 ans qui faisait un mémoire sur Proust. Mais le temps jouait contre moi, et j’ai été obligé d’accepter.

Rue Ordener, dans le nord de Paris, l’ambiance était un peu différente de celle de Neuilly sur Seine… Les vielles dames promenant des caniches ont fait place aux truands, aux dealers de shit, et aux chômeurs en blouson de cuir. Mais je m’en foutais royalement.

Quelques jours après mon emménagement, alors que je faisais de la musculation dans ma chambre obscure, le téléphone sonna. Ma colocataire me cria « C’est pour toi ! » avant de laisser tomber le combiné sur la moquette. C’était Ophélie… Je supposai que j’avais oublié une affaires chez elle, ou que je n’avais pas payer une facture de téléphone. Mais non, elle voulait simplement me voir, absolument. « Pourquoi ? Je t’écoute…» dis-je, soupçonneux.

– J’ai besoin de te parler en tête à tête. C’est important.
– Vraiment ? Eh ben alors, je vais te donner mon adresse, tu vas adorer l’endroit !

Ophélie traversa Paris, le soir-même. Nous avions rendez-vous au métro Marx Dormoy, l’un des plus « craignos » de la capitale. Nous nous sommes assis sur un banc. Sa venue était déjà un mystère, les mots qu’elle allait prononcer une des plus grandes énigmes de ma vie. Elle me murmura, dans la pénombre, la plus belle et la plus passionnée déclarations d’amour que je n’ai jamais eu l’occasion d’entendre. Elle voulait tout quitter pour moi. Son ami, bien entendu, mais aussi ses études, et même son travail de fille au pair. A l’entendre, elle ne dormait plus. Elle pensait à moi toute la journée, elle n’allait plus à l’université. J’étais jusque là installé sur le banc plutôt « décontracté », les jambes croisées, les bras négligemment posés sur le dossier… mais à l’écoute de ces mots passionnés, j’ai changé ma position pour me recroqueviller sur moi-même. Quand, à la fin, elle me supplia « Reviens, je t’en prie », j’avais les coudes sur les genoux, et je regardais devant moi, hébété… Je ne sais pas comment j’ai eu la cruauté injustifiable de lui dire que je ne l’aimais pas. Elle est partie en pleurant. J’étais stupéfait et effondré, et je le suis encore en repensant à cette histoire de fou. Une femme est donc capable de repousser, voire de mépriser ou de haïr en apparence, un homme dont elle est pourtant follement amoureuse.

e repense à cette histoire chaque fois que je me dispute avec une femme…