J’ai téléphoné à mon « assistante photographe » trois jours après la séance photo chez Gay Pieds.
– Salut Noémie ! C’est Patrick à l’appareil, Le modèle de gays pieds hebdo ! Tu te souviens de moi ?
– Bien sûr que je me souviens ! Ca va ?
– Ma foi oui, j’ai plein de questions à te poser ! Je sens que grâce à toi, je vais progresser ! »
– Je veux bien essayer de t’aider, mais bon, tu sais…
– J’ai juste besoin de savoir quel est exactement ton travail avec Michel. Est-ce qu’il est nécessaire de connaître le fonctionnement d’un appareil photo, la lumière, tout ça…
– Ben si tu veux, en ce qui concerne la technique elle-même, je suis pas très…
A ce moment-là, j’ai entendu une voix d’homme qui grognait derrière Noémie : « Bon, tu raccroches ? J’ai d’autres clients à voir, moi ! »
« Oh, ça va. Tu peux patienter cinq secondes, non ? fit Noémie d’une voix étouffée avant de revenir vers moi en parlant plus distinctement. Dis-moi Patrick, ça ne t’embête pas de me rappeler dans dix minutes ? »
« Ok, à tout à l’heure », fis-je. Après avoir raccroché, j’ai réfléchi… Qui donc pouvait être le mec qui pestait contre Noémie ? Pas son mec, puisqu’il avait un truc à lui vendre… Pas un démarcheur de dictionnaire ou d’aspirateur, puisqu’il la tutoyait familièrement. Un vendeur de drogue ? Non, quand même pas ? J’ai fixé ma montre pendant dix minutes, puis j’ai re-composé son numéro :
– Re-bonjour Noémie. Tu es dispo?
– Oui, excuse moi, c’est mon dealer qui a mauvais caractère ! Il vend de la super qualité, mais il est un peu chiant… »
– Ah bon ? Mais tu n’as pas peur d’en parler comme ça au téléphone ? Tu es peut-être sur écoute ? »
– Non, impossible. Mon père est avocat, et on en a déjà discuté. Pour placer quelqu’un sur écoute, il faut une décision du juge ou un truc comme ça, donc il n’y a rien à craindre… Alors, je t’écoute !
– « Tui sais, la drogue, c’est une catastrophe ! »
– « mais non… »
– si, c’est une catastrophe : on arrive plus à en trouver !!! Ah ah ! et sinon, il te fournit en quoi, ton chieur de Dealeur ?
– Ça dépend… Si je suis avec mon père, plutôt de la coke ; mon papounet il aime bien. Sinon, parfois de l’héro, et bien sûr du shit. Enfin, plus exactement de l’herbe, parce que le shit ça me donne mal à la tête…
Toujours pour trouver des affinités, j’ai répondu :
– Moi aussi ça me fait mal à la tête ! Vive l’herbe ! Et qu’est ce que tu as acheté aujourd’hui ?
– Juste de l’héro, car mon père est en déplacement à l’étranger.
La perche était trop facile à saisir, je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de lui proposer une soirée chez elle… Malgré ma méfiance vis-à-vis des drogues dures, j’ai enchaîné :
– De l’héro ! Génial ! Laisse-moi venir chez toi, j’apporte les seringues ! »
-« Mais non, on va pas se piquer ! Je ne suis pas assez accro pour ça ! C’est de la poudre, on sniffe pas plus… »
– « Ha bon ? Je savais pas qu’on pouvait euh… Bon, d’accord, alors je ramène les pailles !
Elle pouffa de rire :
-« Ah ah ah ! Bon prends de quoi noter, je te donne l’adresse… tu es libre ce soir ? »
-« Ben normalement j’avais rendez vous avec un ministre, mais je crois que je vais annuler ! » Le tour était joué. Les probabilités pour que l’on se fasse des câlins étaient de 98 pour 100… Je me suis rué à la pharmacie pour acheter des préservatifs « super strong », parce que baiser une junkie, tout de même…
Noémie habitait également dans le dix-huitième arrondissement de Paris, Rue de Suez – pire que ma rue Ordener. Dans le nord du 18eme, si vous vous avez la chance de rencontrer un blanc, vous pouvez aller lui serrer la main en lui demandant les raisons de sa présence, si il est expatrié, réfugié politique ou autre…
Noémie ouvrit la porte avec le sourire et m’installa dans le salon. Sur la table basse, il y avait des verres salles, des bougies consumées, et sur un plateau en argent, un sachet marron et quelques lignes d’une poudre de la même couleur. Noémie me demanda avec le sourire :
– Dis-moi, soyons francs, on va gagner du temps. J’imagine que tu t’en moques en réalité, de mon métier, non ? »
J’étais pris en flagrant délit de drague. D’habitude, quand une fille devine qu’on lui ment effrontément pour avoir le bénéfice de son corps, la partie est foutue. Mais là, manifestement, mes mensonges étaient le dernier de ses soucis. Je ne suis néanmoins pas arrivé à assumer et je lui ai répondu :
– Alors là tu te trompes complètement ! Ton métier m’intéresse au plus haut point ! Bien sûr, je préfère t’interroger toi plutôt que Michel, par exemple, mais non non, la photo, ça m’intéresse… »
– Ah l’escroc ! Il persiste et signe !
Honteux, je regardais mes pieds… Certaines femmes sont trop malignes, ou trop expérimentées, pour avaler les salades des dragueurs … Il ne me restait plus qu’à changer de conversation :
– Et sinon, tu me la feras essayer, ton héro ?
– Bien sûr ! Je ne vais pas sniffer toute seule dans mon coin…
Nous fîmes l’amour au gré des envies de Noémie : sous la douche, sur la table, assis sur le lit… La symbiose fut parfaite, et nous avons décidé de nous revoir régulièrement. Mais nous n’avons jamais, jamais parlé de photos…