La technique (digne d’un coach en séduction) que j’ai employée pour soutirer le numéro de téléphone de Noémie, en lui demandant son avis sur le métier de photographe, a Gay Pieds Hebdo », est universelle. Dans toutes les activités de la fille convoitée, il y en a toujours une, forcément, qui vous intéresse, ou plus exactement, qui doit vous intéresser. Elle est journaliste ? Vous voudriez écrire un article dans le journal Machin sur votre sujet favori. Elle est commerciale ? Vous avez soudain envie de connaître les arguments de vente des pros. Elle est comptable ? Votre petit neveu aurait besoin de conseil pour le devenir. Elle est avocate ? Chanteuse ? Agent immobilier ? Vous aimeriez avoir des conseils concernant son boulot. Pareil pour ses hobbies. Elle est peintre ? Vous avez dessiné un truc sur un morceau de papier et vous voudriez son avis de pro. Elle fait du cheval ? Vous avez toujours rêvé de vous y mettre… Il y a toujours un domaine que la cible maîtrise, ou pense maîtriser, (ce qui revient au même). Au dragueur de découvrir lequel…Dans ce monde dominé par les hommes, les femmes sont toujours ravies qu’on leur demande conseil.

Le best off, c’est la lecture. J’ai couché avec des dizaines de jeunes filles avec ce système. Il suffit simplement de demander à la fille qui nous intéresse si elle aime lire. Rare sont celles qui répondent « Uniquement « femme actuelle » »… Elles ont forcément déjà dévorées Rimbaud, Victor Hugo, Paul-Henri Bourgeois, Baudelaire… L’astuce est alors d’arborer une expression admirative et curieuse, face à leur érudition exceptionnelle, de manière à leur poser questions sur questions sur la littérature qu’elles apprécient. Après une petite demie heure, qui vous a permis d’apprendre que Kafka était un spécialiste des scarabées, que Satre était né un mercredi soir et que Proust avait des problèmes intestinaux, il faut, toujours bouche bée devant tant de culture, leur demander :

– Tu m’impressionnes ! J’aimerais en savoir autant que toi. Mais dis moi quelque chose: tu m’as dit que tu aimais la poésie, mais est ce que tu es capable de différencier un poème écrit par un amateur, d’un poème écrit par un pro comme Rimbaud ? ».

Elle devrait alors s’exclamer :

– Evidemment, Rimbaud c’est Rimbaud quand même ! »

– Alors je vais t’avouer quelque chose… Voilà, il y a pas longtemps, j’ai écrit un poème, pour le plaisir, que je n’ai pas encore fait lire à quiconque, parce que je ne sais pas ce qu’il vaut… mais comme tu maitrise le domaine j’aurais aimé avoir ton avis… Si je te le fait lire, pourras tu me dire ce que tu en penses ? »

– Bien sûr ! Avec plaisir.

– Bon, alors passe-moi ton numéro de téléphone, je te l’apporterais… Mais tu seras sincère, hein ?»

Et le tour est joué. Ca marche presque à chaque fois. Lors du rencard consécutif, il est facile de rester apparemment sincère, en avouant avec le sourire : « Ecoute, je voulais te l’apporter mais au dernier moment, je l’ai relu et franchement, j’ai trouvé ça si mauvais que je n’ai pas eu le courage te le faire lire… Je suis quand même venu pour le plaisir de ta compagnie, tu ne m’en veux pas, hein ? Sinon est-ce que aimes le champagne ? » Et vous commandez deux coupes…

Pour rendre plus crédible cette approche , je suis allé jusqu’à écrire un poème que j’apportais à ma cible… Je vous le livre ici, il vous servira peut-être dans les mêmes circonstances. Il faut simplement dire, avant que l’agrégé de lettre le lise : « Je me suis mis dans la peau d’un écrivain, tu vas comprendre » :

Ma plume

Quand l’inactivité me rapproche du temps
Quand la morosité alourdit mon présent
Quand la solitude me rend beaucoup plus lent
Et que je m’oublie puisqu’il n’y a plus de vent

Je retrouve l’amie qui ne m’a pas quitté
Qui couche mon esprit sur ce lit blanc soyeux
Pour me parler tout bas des regards sublimés
Et me faire oublier le jugement des dieux

Je retrouve la vie qui ne m’a pas quitté
Qui dormait dans le fond sous mes péchés heureux
Et qui réapparaît comme un soleil d’été
Pour brûler un instant dans mon sang malheureux

Puisque l’idéal n’existe pas sans peinture
Puisque l’amour n’est plus qu’une reproduction
J’en appelle à toi ô ma très chère plume
Invente-moi la beauté et gave-moi d’illusion

Patrick Harris

Pour crédibiliser le tout, vous pouvez essayer de le commenter avec des explications du genre : « la première strophe se finit en « en » pour tous les alexandrins, parce que je voulais qu’il soit « lourd » à lire, puis on part sur des rythmes embrassées pour plus de fluidité en accord avec la signification » etc… Qu’elle comprenne le poème ou pas, la fille commentera : « Ouaih, c’est pas mal… On va dire que c’est prometteur… » Qu’elle dise ce qu’elle veut, l’essentiel, c’est que vous vous soyez rencontré, et que ce soient vos prochaines nuits qui soient prometteuses !!