Jean-David est venu chez moi une bouteille de vodka à la main. Comme tous les samedi soir, nous avions prévu de boire un coup avant d’aller en boîte de nuit pécher la midinette. Or la boîte de nuit en question se trouvait à cinq kilomètres de chez moi, ce qui nous posait un douloureux dilemme : combien de verre étions nous autorisé à boire ? D’un côté, l’alcool lève les inhibitions, ce qui rend la drague plus facile et bien sûr plus marrante, mais d’un autre côté, le samedi soir, il y a plein de « mini-Sarkosi » tapis dans l’ombre des platanes, payés pour supprimer le permis des alcooliques au volant… C’est donc prudemment et lentement que nous avons bu notre premier verre. Il n’était que 22 heures, et nous avons donc dégusté notre deuxième verre en prévoyant qu’à 23h30, date présumée de notre départ, l’alcool aurait à peu près disparu de notre sang . Nous avons commencé à rire pour des bêtises, et nous avons donc descendu le troisième verre en riant. Le quatrième verre, nous l’avons vidé en nous promettant qu’il s’agirait du dernier. Le cinquième, nous l’avons coupé… avec de la glace… Après le sixième, nous étions complètement bourré, et nous avons donc finit la bouteille : le mal était déjà fait. Nous avons soigneusement tiré au sort celui qui aurait la lourde tâche de conduire.. J’ai gagné, et c’est en zigzagant que nous avons rejoint notre véhicule. J’ai cherché pendant un moment quelle était la bonne portière à ouvrir, car il y en avait quatre. Je me suis installé au volant, et j’ai essayé de démarrer la voiture avec la clef de mon appartement, puis avec la clef de mon garage, puis avec la clé de ma moto. Je ne savais pas très bien pourquoi Jean-David était mort de rire. Je pestais contre mon trousseau de clés trop volumineux, mais heureusement, c’était jour de chance : j’ai finit par trouver la bonne clef, le moteur a démarré. Je me sentais en pleine forme. J’ai dit à Jean-David : « Si les flics nous arrêtent, il ne faut pas parler, et il faut simplement essayer de marcher droit. » Il m’a répondu en levant un index : « Si les flics nous arrêtent, on marchera droit dans la cours de la prison ». Il ajouta : « Il ne faut jamais boire en voiture, et tu sais pourquoi ?

– « non ? »

– « parce que sinon, on en renverse ! ah ah ah ! »

Nous étions à cinq cent mètres du club quand un personnage tout bleu nous fit signe de nous garer. Je répétai alors une dernière fois, comme une prière : « il ne faut pas parler, il faut juste marcher droit ». Le poulet vint à ma fenêtre : « Gendarmerie nationale, bonjour. Veuillez couper le moteur et sortir du véhicule, s’il vous plaît ». Je m’exécutai sans rien dire. Jean-David s’était mis une main sur la figure, comme pour réfléchir à la façon dont nous pourrions rentrer à pieds, dans le cas exceptionnel ou nous ne finirions pas en cellule de dégrisement. Un flic me tendit le ballon : « Soufflez s’il vous plaît ». C’est à ce moment que le dieu des alcooliques vint à ma rescousse : Au lieu d’expirer de manière continue dans le ballon, j’ai soufflé par saccades : pfou… pfou… pfou… En fait, je n’ai pas laissé à mon souffle le temps d’être contaminé par mes bronches qui nageaient dans l’alcool, et l’air qui rentrait dans le ballon était donc « vierge ». Normalement, le ballon aurait dû prendre des couleurs qui ne sont pas dans le manuel, mais grâce à mon « truc » J’ai entendu : « C’est bon, vous pouvez y aller ». J’ai incliné ma tête en guise de remerciement, puis j’ai repris la place du conducteur. Mon ami demanda : « Alors, on va en taule ou on va à pieds ? » Je me suis exclamé en lui donnant une tape sur la nuque : « on va en boîte ! »

En manoeuvrant pour me garer sur le parking du night-club, j’ai un peu trop reculé la voiture qui est tombée dans un fossé. Il a fallu six ou sept paires de bras pour soulever le véhicule et le remettre sur la terre ferme . En boîte, j’étais tellement pété que les filles me fuyaient en rigolant… Néanmoins, Jean-David et moi avons passé une excellente soirée. Une soirée à rire, à danser… Et à boire !

Malheureusement, je crois que le « système anti-ballon » ne fonctionne plus à présent, car la dernière fois que j’ai passé le test, on m’a expressément demandé de souffler d’un seul coup. Heureusement, je n’étais alors pas beurré, mais le rêve s’écroule : plus moyen de passer au travers… Remarquez qu’en cas d’accident, il n’y a pas de ballon, il y a une seringue, et là, pour berner les flics, c’est nettement plus difficile…