Macha Méril a dit un jour : « Je ne coucherais jamais avec un homme qui n’a pas les mêmes opinions politiques que moi ». Au début de ma carrière de séducteur, j’ai simplement déduit de cette phrase qu’il fallait, pour séduire, adopter les mêmes valeurs que sa cible. Ce qui m’apparaissait comme une nécessité m’a appris à me servir d’une des techniques des hommes politique : « le détournement de questions ». Technique que mes élèves adorent.

Quand une jeune fille pose une question sur un sujet « délicat », c’est-à-dire qui exprime des valeurs essentielles, (Opinion politique, peine de mort, psychologie…) il est possible, et préférable, d’éluder la question en suivant un schéma bien construit : phrase en rapport/développement/question en retour. Pendant un slow, par exemple, une fille m’a demandée : « Est-ce que aimes cette boîte ? » Or, on ne ne pose pas une question sur un sujet qui ne nous intéresse pasil y avait donc danger. Soit il s’agissait de sa discothèque préférée : elle connaissait tous les videurs par leurs prénoms, tutoyait le directeur et avait déjà vécu six ans avec le portier… Soit c’était la première fois qu’elle y mettait les pieds, et elle : trouvait la musique débile, le décor digne d’une prison thaïlandaise, et l’ambiance moins sympa que celle du Père Lachaise… elle se demandait en conséquance quels pouvaient être les blaireaux qui fréquentaient un pareil dépotoir…

J’ai commencé par énoncer une « phrase en rapport » suivie de son « développement » : « Tu sais ce que disait le propriétaire des Bains douches* ? Il disait que l’on aime un night-club à condition d’y être bien accompagné, et ce, même si on trouve la musique ou l’ambiance moyenne… C’est marrant non ? » Puis, je lui ai posé « la question en retour » : « Toi, tu es bien accompagnée ici, non ? » Et, oubliant que je n’avais porté aucune attention à sa première requête, la fille m’a appris qu’elle était venue avec des amis, comme tous les samedi soirs… Je me suis alors exclamé : « Ça ne m’étonne pas, elle est géniale cette boîte ! » La technique de la phrase en rapport/ développement/question en retour fonctionne pour tous les sujets. Ils sont trop forts, ces hommes politiques !

* Boîte parisienne de renom.

Mais plus tard, j’ai trouvé une meilleure technique. Certes,pas toujours facile à appliquer, mais son efficacité justifie le nom que je lui ai donné : « la technique du siècle » ! Je l’ai notamment utilisé avec Cindy, une petite brune que j’ai rencontrée sur un trottoir. Je venais d’acheter cinq bouteilles de pastis et une baguette, et j’ai croisé la belle au moment où je me demandais comment j’allais faire pour manger autant de pain. Je lui ai demandé mon chemin, puis je lui ai fait remarquer qu’elle connaissait bien Paris, et la conversation est partie sur les atouts de notre capitale. Elle m’a donné son numéro pour que je lui joue du trombone ou un truc dans le genre. Je pensais avoir affaire à une vraie communicante, et du coup je lui ai présenté un visage sûr de moi, je l’ai destabilisée plusieurs fois. Bref, j’ai collé à l’image du « mâle dominant », comme le suggère Mystery. J’ai vite compris que je m’étais totalement planté dans mon appréciation, car au bout d’un moment, elle m’a expliqué que j’avais trop confiance en moi pour qu’elle se laisse aller jusqu’au sexe… Il s’agissait donc d’une fausse communicante : je devais donc la considérer comme une affective.

Heureusement, « la technique du siècle » est venue à mon secours. Un jour, alors que nous étions face-à-face dans un café, nous avons parlé de la peine de mort. Je me fous complètement de savoir s’il vaut mieux, ou pas, exécuter les criminels… D’une part, parce que je n’ai jamais été concerné directement par le problème, et d’autre part, parce que je n’ai pas encore lu d’étude suffisamment étayée qui permettrait de savoir si la peine de mort est susceptible de diminuer le nombre de crimes. Mais quand elle m’a dit qu’elle était pour la chaise électrique, j’ai appliqué ma technique magique, et j’ai commencé par la contredire :

« Ha non, c’est horrible de tuer des coupables ! Cela consisterait à faire comme eux, c’est immoral ! » Et comme dans toute discussion sur un sujet social, elle s’est emballée pour me démontrer qu’elle avait raison et que j’étais un imbécile de ne pas penser comme elle. Ses arguments sont tombés sur moi comme la pluie sur un Anglais :

– Mais, réfléchis un peu, et s’ils ont tué des enfants ?

– Alors ce sont des malades : il faut les soigner, pas les tuer.

– Mais imagine qu’il s’agisse de tes propres enfants, hein ?

J’ai continué à me battre avec elle, mais progressivement, je me suis incliné sous le poids de ses arguments en béton, et j’ai fini par capituler :

– Ah oui, en fait, tu as raison, je n’avais jamais vu les choses comme ça, tu as entièrement raison et j’avais tort…

Je venais explicitement de reconnaître sa supériorité. Mieux : elle est parvenu, grâce à son intelligence, à ramener mon jugement conforme au sien. Personne, à part peut être quelques hommes mariés depuis longtemps, acceptent ainsi de reconnaître leurs torts supposés… Lola a redressé la tête comme un coq qui venait de mettre hors de nuire un rival, et m’a lancé un regard imprégné d’émotion. Tous les neurones qui cohabitaient dans son cerveau dansaient et faisaientt la fête : « Joie, victoire, but ! » Lola a inconsciemment reporté cet immense plaisir sur l’intermédiaire nécessaire: moi! Tout d’un coup, elle m’estimait : j’avais été assez censé pour la suivre. Je ne peux pas être certain du lien de causalité entre cette technique de communication machiavélique et son attitude, mais elle a couché avec moi le soir-même…

J’ai pris l’habitude d’utiliser cette stratégie démoniaque avec toutes mes copines, pour tous les sujets à polémique. Cela ne m’apportait pas seulement plus de succès, mais également la fierté extraordinaire de contrôler la communication, c’est-à-dire de survoler, en silence, l’interaction humaine… Je me demande si les filles qui simulent le plaisir dans l’intention de séduire leur copain ressentent la même chose ?