A l’université, il y a des filles partout. Elles buchent sur un banc, elles discutent dans les couloirs, elles cavalent partout, leurs dossiers sous le bras. C’est à vous rendre fou. Pour pouvoir approcher les nanas les plus intéressantes, et surtout pour les séduire, il fallait que je me distingue d’une façon valorisante et que je trouve un prétexte qui me permette de lancer la discussion. J’avais rencontré au lycée un député européen : Gerry Georges. A la fin d’une de ses conférences, je m’étais débrouillé pour lui piquer son numéro de téléphone. Or, il y avait une question politique sympa qui pointait le bout de son nez, une histoire sur l’Europe auquel je ne comprenais strictement rien mais qui, comme d’hab divisait tout le monde : le traité de Maastricht. Si je voulais m’associer à l’image prestigieuse d’un député tout en m’amusant, si je voulais un moyen pour entrer en relation avec des filles captivantes : celles qui dirigeaient les syndicats étudiant je pressentais un bon moyen : organiser un débat politique sur Maastricht dans un des amphithéâtres de la fac.
J’ai décroché mon téléphone pour soumettre l’idée àGerry Georges. Conformément à son caractère, il trouva l’idée enthousiasmante, mais me fit remarquer que pour un débat, il fallait être deux… Il me proposa Mathias Fine, le président des verts indépendants, un de ses contradicteurs, farouchement opposés à Maastricht. Banco ! Il ne me restait plus qu’à infiltrer les syndicats étudiants – et leurs jolies filles – pour les associer au projet.
La première qui m’a tapé dans l’œil était la trésorière de l’OUFID, une jolie blonde aux cheveux longs et bouclés. Après négociation, il fut convenu entre nous que l’OUFID devait réaliser et coller les affiches du débat dans toute la fac, et qu’elle devait également obtenir les autorisations indispensables. J’ai dit à cette charmante dirigeante :
– Je connais un moyen pour te faire élire présidente de l’OUFID, il faut que je te parle. Elle m’a répondu avec un sourire étrange, que je ne comprendrais que plus tard :
– Présidente ? Ça ne sera pas facile, mais on peut néanmoins en parler autour d’un café…si tu veux ? »
– Non, ce sera long ! Mangeons plutôt ensemble si tu veux bien. Tu aimes quelle sorte de restau ? Indien ? Chinoix ? »
Le soir même, autour d’un sandwich grec, je lui ai offert de présider le débat, ce qui était censé la faire monter dans l’estime des membres de son syndicat… Je m’attendais à ce qu’elle dise « oui » mais elle m’opposa un refus catégorique. Incompréhensible… Visiblement, elle ne voulait pas prendre la tête de l’OUFID, ni présider le débat… La conversation partit donc sur des sujets plus propres à éveiller le désir et, auréolé par mes activités politiques et mes accointances en « haut lieu », je n’ai eu aucun scrupule à lui faire ce que j’appelais « le coup du cunnilingus ». J’ai tout d’abord réussi à la ramener chez moi, prétextant vouloir lui montrer la maquette de l’affiche (fantôme) du débat que j’avais préparée. C’est important, ça, l’affiche d’un débat… Une fois dans mon studio, je constatais avec malheur son absence : j’avais complètement oublié que je l’avais confiée à mon fidèle assistant (Jean-David!)… Puis, je réussis à la convaincre avec les mêmes arguments que j’ai employés pour décrocher mon bac : j’étais un maître absolu dans l’art du cunnilingus. Je n’avais soit disant qu’une envie : lui faire plaisir sans allez plus loin… Elle fit semblant d’y croire et j’ai déboutonné son pantalon. Notre étreinte fut magnifique, je me souviens de son corps qui bougeait de bas en haut alors que je la prenais par les hanches. J’ai appris plus tard… que son petit ami était le président de l’OUFID…
Le jour du débat, à une demi-heure du début, l’amphithéâtre était déjà comble. Il y avait même des étudiants sur les marches. Jean David m’a dit : « Mais putain, pourquoi tu n’as pas fait payer l’entrée au moins 5 francs ? Tu te rends compte de l’argent que tu perds là ?»
Mon cher ami député était resplendissant, il souriait triomphalement à son adversaire du jour, Mathias Fine, comme s’il avait déjà gagné. Au milieu des deux, j’avais choisi un président aimé de tous : monsieur Lagour, un professeur marxiste que tout le monde connaissait pour ses excès en cours. Devant tous ses élèves, il avait un jour conseillé à un étudiant pas assez attentif d’arrêter de se masturber, mauvaise habitude, selon lui, pour la concentration…
Mais juste avant le commencement de l’événement, un oiseau de mauvaise augure arriva : le président de l’OUFID qui, avec un calme suspect, nous annonça que le débat devait être annulé car Mr Machin, responsable de la salle, n’avait pas donné son accord ; Devant la gravité de cette annonce, Gerry Georges ne souriait plus. Mathias Fine était bouche bée. Le temps s’arrêta net, je me suis levé de stupeur… Jean David m’a glissé : « Remarque, c’est vrai que ça n’aurait pas été facile de rembourser tout le monde… »
Le prof d’économie sortit en trombe de l’amphithéâtre. J’allai demander des explications au président de l’OUFID. Il tournait la tête de droite à gauche en disant « non, il n’y a plus rien à faire, l fallait prévenir Monsieur Machin ».
– Mais c’était à vous de vous occuper de cela ! Ai-je rétorqué. Vous vous êtes engagé à obtenir les autorisations !
– « Non non, ce n’était pas à nous à le faire…
Jean-David s’empara alors du micro : « Bonjour à tous, nous avons un petit contre-temps car une formalité n’a pas été remplie pour le bon déroulement de ce débat. M. Lagour est allé voir s’il peut arranger les choses ».
Le prof d’économie revint après les dix minutes les plus longues de ma vie et, avec une fausse modestie évidente, lâcha : « C’est bon, tout roule. C’est pas monsieur Machin qui fait la loi ! » Jean-David me regarda en serrant le poing : « Yes ! ».
Après une brève introduction de notre sauveur, Gerry Georges pris la parole pour commencer le débat, sans y avoir été invité.
J’avoue ne pas avoir compris tous les termes politico-économico-scientifiques utilisés dans le débat, mais ce fut une réussite, car les deux hommes politiques se déchiraient à chaque intervention. Ils ont commencé un peu comme les joueurs de tennis qui s’envoient des balles molles avant un match, mais ils ont finit avec un ton proche de la bagarre. Christian Lagour, malgré sa réputation en acier trempé, n’osait pas interrompre le député qui monopolisait pourtant allègrement la parole, au détriment de Mathias Fine.
A la fin du débat, Christian Lagour et le vert indépendant faisaient la gueule, mais le député était aux anges. Il a pris le micro une dernière fois entre autre pour me remercier, puis m’a invité à dîner avec lui. Je l’ai écouté avec toute mon admiration, mais en réalité, j’étais assez fier d’être indifférent à toutes sortes d’idées politiques. Je pensais être « au dessus », et tirer les ficèles, à travers l’événement que je venais d’organiser, de pantins glorieux qui passionnaient la galerie. Encore maintenant, même si, malgré mon ignorance en la matière, je ne peux pas m’empêcher d’être plus ou moins à gauche, je me garde bien de voter. Ce serait, dans mon esprit, au delà d’un geste parfaitement inutile, l’expression d’une prétention : celle d’être convaincu d’avoir raison. Il me semble que la vérité politique, à l’instar de la majorité des problèmes sociaux, est indéfinissable. Et même en admettant que cette vérité pourtant trop multifactorielle existe, elle est à mes yeux impossible à trouver. Il y a des gens instruits et intelligents de tous bords. Pourquoi y en aurait-il un, plutôt qu’un autre, qui serait dans le vrai ?