Un jour, alors que Jean-David, Rémy et moi étions en déplacement à Paris, dans l’espoir amusant de rencontrer des femmes riches, nous avons décidé d’aller draguer dans un café à côté du Brion, un des hôtels les plus chers de la capitale.

Rémy est certainement le dragueur sauvage le plus dynamique que je connaisse. Quand il marche dans la rue, il tourne sa tête de droite à gauche comme un radar, à la recherche de sa future cible. Dès qu’il en repère une, il oublie tout et lui fonce dessus comme un vautour sur sa proie. Le processus est inéluctable. Si vous lui donnez rendez-vous ailleurs que devant chez lui, il faut savoir qu’il sera systématiquement en retard, car son parcours est considérablement ralenti par les passantes qu’il croise. En règle générale, il se fait jeter, bien sûr, mais il s’accroche à sa cible comme une sangsue jusqu’à ce que celle-ci devienne verbalement agressive. Alors il lâche prise en grommelant des injures… Et vous savez qu’elle est sa profession ? Eh bien, il est médecin !… Je plains ses patientes qui ont le malheur d’être jolies…

En tout cas, le café où nous nous sommes installés, le Bana, était plein à craquer. La tête chercheuse de Rémy s’est mise en marche et il est allé se perdre dans la foule. Je l’ai suivi par curiosité, et aussi un peu pour m’amuser… Après deux ou trois râteaux aussi sévères que tordants, il a entamé la conversation avec une jolie blonde un peu jeune qui prenait un verre au bar. Il parlait en anglais, faisant de grands gestes, sans laisser à la fille une seule occasion d’ouvrir la bouche. Je commençais à m’ennuyer quand la mère de la jeune fille est apparue. La quarantaine, aussi blonde que sa progéniture, elle avait cette classe admirable propre aux bourgeoises qui s’entretiennent méticuleusement depuis 25 ans. Je l’ai prise à l’écart et je lui ai expliqué en riant que mon ami Rémy était tombé amoureux de sa fille, mais qu’il était gentil et surtout inoffensif… Elle m’a adressé un sourire entendu. Plus tard, tous les quatre, nous nous sommes installés à une table. La mère insista pour nous payer de l’alcool toute la soirée. L’argent ne comptait pas pour elle : son mari était un des plus grand consultant d’Amérique, et un consultant, ça gagne pas mal de pognon… Elles séjournaient au Brion trois jours simplement pour fêter l’anniversaire de la fille… Nous ne vivions pas sur la même planète, mais je suis néanmoins parvenu à rouler une gamelle à la jolie maman. Rémy, qui venait de se faire remballer par la fille, n’en revenait pas. Il m’a même glissé : « T’es trop fort, j’ai trouvé mon maître ! ». Bizarrement, je n’ai pas été touché par ces paroles pourtant hautement flatteuses, puisque, en tant que coach en séduction depuis six ans, j’avais l’impression qu’il me félicitait de faire mon métier…

Après une soirée réellement délicieuse, ponctuée de rires, de chaleur et de Malibu ananas, les filles ont fini par se retirer dans leur hôtel de luxe. En les regardant partir, conscient qu’en aucun cas je ne pourrais les revoir, j’avais l’étrange sentiment – sans doute inspiré par l’alcool – qu’elles étaient en train de mourir…