J’ai habité trois ans à cette adresse prestigieuse. Prestigieuse car j’ai eu la chance d’avoir Fabrice Lucchini et Gabriel Dussurget pour voisins et amis. Je n’ai pas besoin de présenter M. Lucchini, mais c’est sa femme qui m’a le plus impressionné. Manifestement d’une grande intelligence, sa courtoisie aiguisée comme une lame de rasoir lui donnait une certaine froideur devant laquelle je filais droit. Leur fille, par contre, m’intéressait pour des raisons différentes. Elle était charmante, et je regrette bien de ne jamais avoir réussi à faire quoi que ce soit avec elle. J’imagine que si elle était à la recherche de l’image du père, comme l’aurait suggéré Freud, je n’étais pas sur le bon chemin…
Quant à Gabriel Dussurget, il a été mon ami parisien le plus précieux. Fondateur du Festival international d’Art lyrique d’Aix-en-Provence. Officier de l’ordre des Lettres, il connaissait plusieurs dizaines de livres par cœur. Il était âgé, et il m’appelait affectueusement « mon enfant ». Contrairement à la femme de Lucchini, il utilisait son immense intelligence dans la douceur. Son calme systématique, ses paroles réconfortantes et empathiques me faisait respirer dans ma vie en grand huit.