Macha Méril disait : « Je ne peux pas avoir de relations sexuelles avec quelqu’un qui n’a pas les mêmes opinions politiques que moi ». On verra, avec le complexe d’œdipe, qu’il est intéressant de ressembler au père, mais il faut également avoir des goûts semblables à ceux de la fille. Si elle pense, surtout dans les premières minutes : « il est vraiment trop différent de moi », vous pouvez dire adieu à vos espoirs. Pour éviter d’avouer que vous êtes un fan d’AC/DC, alors qu’elle n’aime que Jacques Brel, renseigniez-vous en premier sur ses goûts musicaux : « Qu’est ce que tu aimes, comme musique ? », et vous vous adaptez. Mais si elle vous devance et pose la question avant vous, ne paniquez pas. Pour une fois, les hommes politiques vont vous servir à quelque chose. L’habileté avec laquelle ils éludent les questions des journalistes est admirable :
« C’est une question intéressante et je vais vous répondre avec précision. (Un petit temps d’arrêt, les yeux dans les yeux et on reprend.) Le général Duquon disait une phrase très significative sur ce point… » Et c’est parti… après avoir rassuré son public (je vais répondre), il parle d’une généralité, déborde sur la question, puis passe allègrement des SDF (c’était la question) à la pauvreté, pour pouvoir parler du Rainbow Warrior, bifurquer sur la CIA, l’intégration des scouts à Fontainebleau, et finir son discours par la phrase suivante :
« Et il faut le souligner, en forte progression grâce à notre gouvernement ! On ne peut pas en dire autant du parti adverse, qu’en pensez-vous ? » Une fois qu’il a terminé sa réponse, le journaliste a oublié la question qu’il a posée. Si je n’étais pas corrompu, comme tout journaliste digne de ce nom, je critiquerais, mais pour l’efficacité de la drague, je me dois de saluer bien bas ces prouesses éloquentes. Donc pour ne pas vous mouiller, si elle vous interroge sur vos goûts musicaux, il vous suffit de répondre comme n’importe quel homme politique de base :
« Ce que j’aime comme musique ? Eh bien, tu sais, Gainsbourg disait que l’on aime la musique selon les oreilles de son enfance. C’est pour cela que je suis très éclectique, mais je ne connais pas tout… Par exemple, j’ai un copain qui va me prêter un disque des Who, il m’en parle à chaque fois que l’on se voit, mais je n’ai aucun disque d’eux, tu connais les Who, toi ? » C’est un sans faute. Vous avez commencé par inventer une citation qui ne veut à peu près rien dire, (Gainsbourg disait)… mais qui permet à la fille d’oublier sa question. Vous avez menti un peu (je suis éclectique) et enfin, vous lui avez posé une question. Elle oublie alors complètement que vous n’avez pas répondu, car elle se concentre sur ce qu’elle va dire… Vous pouvez aussi essayer l’humour :
« Ce que j’aime comme musique ? Oh la la, moi, je suis extrêmement mélomane, tu sais… quand j’entend ma cousine qui chante sous la douche, je m’approche de la serrure… et j’y colle l’oreille !… Ah, ah, ah,…Pourquoi, toi, qu’est-ce que tu aimes ? » Vous apprendrez ainsi ses goûts, ce qui vous permettra d’en déduire les vôtres, et de remarquer avec étonnement la symbiose parfaite que deux êtres peuvent avoir, alors qu’ils se sont pourtant bêtement rencontrés lors d’un slow. Ne poussez pas le mimétisme trop loin, mentez sur ce que vous aimez et sur ce que vous faites si et seulement si vous vous y connaissez un minimum sur le sujet… Vous aurez en effet du mal à soutenir une passion de longue date pour la grande musique, si vous pensez que le Boléro-de-Ravel a été écrit par Mozart.

On l’a vu, vous pouvez profiter de votre ignorance sur la musique ou sur les livres qu’elle aime pour obtenir son numéro :
« Ah, non, je ne connais pas trop ce style… Mais, sans doute, malheureusement, car on m’en a souvent dit du bien… En tout cas, si j’ai l’occasion d’en écouter, qu’est-ce que tu me conseillerais comme titre ? » Vous stimulez là son côté maternel. Elle se fera un plaisir de prendre en charge votre éducation musicale, tout en vous confiant un des rôles les plus valorisants, celui d’auditeur respectueux… Si vous avez du talent, vous grimperez assez dans son estime pour qu’elle vous propose de vous prêter son album préféré… Cherchez un stylo et un papier, et elle vous confiera le début de la victoire : son numéro de téléphone.

Mais les filles sont intelligentes, et connaître vos habitudes musicales ne leur suffiront pas pour accepter de coucher avec vous… Elles vous poseront donc d’autres questions, que vous persisterez à contourner. Par exemple :
« Qu’est ce que tu fais comme sport ? »
« Ah, le sport c’est important, ça ! Est-ce que tu savais que les jeunes passent seulement 7 % de leur temps à faire du sport ? »
« Ha, non je n’étais pas au courant… » (Normal, vous venez de l’inventer.)
« Ah ? Tu ne savais pas ? Et toi, tu passes beaucoup de temps au sport ? » Et paf, elle avoue tout. Pareil, si lors du premier slow, elle vous demande si vous venez souvent dans la boîte où vous vous trouvez, attention danger. Tout aussi bien c’est la première fois qu’elle y met les pieds, et comme elle trouve la musique complètement débile, le décor digne d’une prison thaïlandaise, et l’ambiance moins sympa que celle du Père Lachaise, elle se demande quels peuvent être les blaireaux qui fréquentent un pareil dépotoir… Ou alors c’est sa discothèque préférée, elle connaît tous les videurs par leurs prénoms, tutoie le directeur et a déjà vécu six ans avec le portier… Une maladresse de votre part et vous sombrez dans son estime, et parfois, l’échec s’explique par ce que vous pensez être un détail. Répondez :
« C’est la première fois que je viens ici, on m’en a parlé assez souvent, mais je la découvre maintenant. Le propriétaire des Bains Douche disait que l’on aime une boîte à condition d’être bien accompagné. Tu as beaucoup d’amis ici, toi ? » Et le tour est joué. Il est facile d’éviter une question, car les filles préfèrent, bien entendu, parler de leurs goûts que des vôtres. Donc pour contourner ses demandes, embrouillez-la avec des citations ou des chiffres que vous inventez plus ou moins, puis permettez-lui de parler d’elle. Elle oubliera qu’elle vous a posé la question en premier, car elle préfère vous répondre que vous écouter. Les filles (mais aussi les hommes) posent des questions pour pouvoir y répondre. Ce comportement apparemment étrange a été démontré. On ne pose pas une question sur un sujet qui ne nous intéresse pas. Donc, elle vous demande un truc, vous vous arrangez pour qu’elle réponde, et vous dites après l’avoir écouté « c’est pareil pour moi ». Ou presque… « Presque », car si vous bafouillez « moi aussi » systématiquement, après toutes ses affirmations, elle risque de douter de votre bonne foi… contredisez-la de temps en temps, sur des sujets d’une importance discutable : sa couleur préférée est le marron clair, vous préférez le marron foncé. Elle aime beaucoup le coca, vous préférez le pepsi cola, mais laissez-vous doucement convaincre… (cf. « L’astuce du siècle ») Par contre, dans les sujets qu’elle estime essentiels, attention… vous êtes, vous aussi, écolo, vous êtes, aussi, fou de Rock Voisine (je sais, c’est dur…), et vous voulez, vous aussi, huit enfants, une villa piscine de deux étages avec un jardin à tomates, une Rolls ou une Kangoo, un bateau treize mats à Palavas les Flots, et du chocolat aux noisettes.